Les fermes d'élevage d'alligators en Floride
Aujourd'hui, plus d'un million d'alligators américains s'épanouissent dans les eaux marécageuses de la Floride. Mais ce ne fut pas toujours le cas. Dans les années 60, l'espèce devient extrêmement rare à l'état sauvage, tellement que certains spécialistes prédisent même son extinction. Les alligators américains sont inscrits sur la liste de animaux en danger de disparition et plusieurs mesures concrètes les protègent notamment du braconnage. Mais pour repeupler les marais, le gouvernement de Floride suggère une idée plutôt ambigüe mais terriblement efficace.
Les autorités encouragent la création de fermes d'élevage qui rempliraient une double vocation controversée : assurer la préservation de l'espèce... tout en restant financièrement indépendantes. Les fermes d'élevage d'alligators ont ainsi le droit d'élever un certain nombre de spécimens à des fins purement commerciales. Ces alligators finiront en steak et/ou en sac à main tandis que d'autres de leurs congénères repeupleront les eaux sauvages de Floride.
Le compromis proposé par l'État de Floride fonctionne. Le braconnage cesse et les alligators sont retirés de la liste des espèces menacées de disparition. Prenant conscience de l'incroyable impact touristique suscité par ces gros reptiles terrifiants, certaines fermes d'élevage ouvrent leurs portes au public et se diversifient : spectacles, excursions en « airboat » (hydroglisseur), etc.
L' « Everglades Alligator Farm »
A l'entrée du parc national des Everglades, en venant de Homestead, la ferme d'élevage d'alligators des Everglades est encerclée par les marais sauvages. Seule habitation à des kilomètres à la ronde, ici, les alligators sauvages ne sont jamais très loin.
A faire tôt le matin, avant de partir à la découverte du parc national par exemple. En été, ce sera aussi l'assurance, notamment pour les enfants, de voir les grosses bêbêtes, plutôt discrètes à l'état sauvage durant cette période de l'année. Et pourquoi tôt le matin ? Tout simplement parce que les alligators sont très actifs.
A peine franchie l'entrée, vous entendrez leur râle puissant. Ils s'interpellent, se toisent, se séduisent. Frissons lorsque l'on entend au loin la réponse grognante de leurs congénères sauvages. Dans l'enclos (« Alligator Breeding Pond »), l'eau s'agite, des dizaine de museaux apparaissent à sa surface. Les reptiles sont à l'affût, surgissent, ouvrent leur gueule, frappent leur queue. Puis... plus rien. Le soleil se lève, tape. Fin du spectacle. L'un après l'autre, les gros reptiles sortent de l'eau et s'adonnent à leur occupation préférée : ne rien faire, se dorer la pilule. En plein soleil, les meilleures places sont prises mais les reptiles n'hésitent pas à se grimper dessus et le spectacle de cet enchevêtrement de pattes et de mâchoires terrifiantes est plutôt étonnant. A quelques centimètres du double grillage, on observe en détails les dents, les griffes et cette peau si convoitée.
Magistral, fascinant, l'alligator n'a pourtant pas bonne réputation. Coupable de « délit de sale gueule », les visiteurs s'agglutinent autour de l'enclos et manifestent leur dégoût. Décidément, ce reptile-là n'est pas le chouchou du règne animal. Prédateur imprévisible, carnivore, parfois tueur d'hommes, il possède l'un des plus petits cerveaux du règne animal. On oublie pourtant souvent que ce génie des marais, ce grand seigneur des milieux hostiles est l'une des rares espèces à avoir traversé les temps, l'une des seules à avoir côtoyé les dinosaures. Et dire que l'être humain, en l'espace de quelques décennies seulement, a bien failli l'éradiquer totalement. Finalement, avec une vingtaine d'attaques mortelles au cours du siècle, les alligators ne sont peut-être pas si rancuniers que ça? On se dit tout ça en les observant de très près, quelque peu intimidés par leur regard perçant, figé peut-être même... gourmand ?
A quelques mètres des alligators, l'enclos des Crocodiles américains (« American Crocodile Exhibit »). Autant le dire carrément, le gros gros lézard planté là-dedans fait un peu peine à voir. C'est tout petit et très exposé aux visiteurs. Triste, d'autant plus que ce sera pour vous l'une des rares occasions d'observer un crocodile américain, le reptile le plus imposant des marais de Floride. Si quelques spécimens survivent encore à l'état sauvage (notamment dans le parc des Everglades autour de Flamingo), cette espèce animale est en danger d'extinction et contrairement à leurs plus petits cousins alligators, la chute démographique ne s'inverse pas.
Un peu plus loin et plus sauvage, l'enclos des Crocodiles du Nil (« Nile Crocodiles Exhibit » qui, comme leur nom l'indique, ne vivent pas en Floride. Très impressionnants, ils sont, avec les Crocodiles marins, la variété de crocodiles la plus imposante de la planète. On cherche les reptiles cachés dans une végétation dense et on apprécie l'enclos plutôt vaste.
Mais si les visiteurs se pressent ici, c'est aussi – c'est surtout – pour s'évader sur les marais sauvages envahis par la végétation. Seule une embarcation capable de « voler » sur la mangrove dense peut relever le défi. On les appelle les « airboats » ou hydroglisseurs, bateaux emblématiques des Everglades propulsés par une hélice d'avion.
Dans un bruit assourdissant, le bateau volant s'engage sur les marais. Les passagers se protègent les oreilles et l'embarcation prend de la vitesse. La large rivière disparaît, envahie petit à petit par les plantes. Le pilote se faufile, il connaît le chemin invisible par cœur et se permet même quelques puissants virages à 180°C. A quelques pas de là, les alligators observent le spectacle. Ceux-ci sont bel et bien sauvages mais ne semblent que peu intéressés par cet amas de viande qui tourne à vive allure sur les marais ; ils se sont habitués à la présence de l'homme. Durée de la balade : environ 30 minutes. Les excursions en airboat sont comprises dans le prix d'entrée. Ils partent à heure fixe du quai d'embarquement (« Airboats boarding »), au bord de la rivière, tout de suite en entrant dans la ferme d'élevage.
La ferme des Everglades propose aussi divers « Shows » sous une tente à quelques pas de l'enclos des alligators. Le spectacle le plus couru met en scène une sorte de « Crocodile Dundee » enfermé dans un enclos avec deux solides alligators. Autant vous le dire franchement, on n'a pas beaucoup aimé. Il faut avouer qu'à force de les côtoyer, on a fini par s'attacher à ces gros reptiles et voir cet homme les tirer par la queue ou leur planter les doigts dans les yeux nous a laissés plutôt... perplexes. « Clou » du spectacle : les bébés alligators tout petits mais plus tout à fait inoffensifs. Muselés avec du scotch, on les fait circuler dans le public. Caresses, photos, bisous... le harcèlement animal, nous, on n'aime pas trop mais c'est à vous de voir.
Enfin, l'heure du casse-croûte des alligators (« Alligators feeding ») est aussi l'occasion d'impressionner et de faire participer les visiteurs. Juchés sur des estrades, on observe un peu médusés le gardien pénétrer dans l'enclos (« Alligator Breeding Pond ») peuplé de dizaines et de dizaines de spécimens. Alertés par l'odeur de viande fraîche, les reptiles s'activent, s'approchent, se menacent. Il n'y en aura pas pour tout le monde. Le gardien veut assurer le show. Il se plaint, ses résidents ne sont pas très actifs aujourd'hui alors pour les secouer, il les provoque avec un bâton. Ça marche, les alligators ouvrent grande leur gueule et les spectateurs se confondent en « oooh » et « aaah ». Les derniers morceaux de viande leur sont justement réservés. Les courageux membres du public qui osent relever le défi sont toutefois tenus à une distance raisonnable des dangereux prédateurs.
Toutes les activités et attractions décrites ci-dessus, y compris l'airboat et les shows, sont incluses dans le prix d'entrée (27$ par adulte, 19$ par enfant, bon de réduction de 2$ sur le site Internet).